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Publié le par bidon quatremille

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WADDINGTON (William), 1826-1894 :

 

Homme politique. Né à Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir) le 11 décembre 1826, William Waddington est issu d’une famille d’origine anglaise et protestante. Fils de filateur écossais naturalisé tardivement, marié en secondes noces à Marie King, petite-fille de l’un des pères de l’Indépendance des Etats-Unis, Waddington se fait remarquer plus par ses origines que son originalité.

 

C’est un savant, helléniste, archéologue, numismate et il est, avec Philippe Lebas, auteur d'un Voyage archéologique en Grèce et en Asie Mineure (1876-1877). Il est membre de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres.  

 

Elu député de l’Aisne en février 1871, il s’intalle discètement, au centre gauche, d’autant plus facilement que ce centre tirait alors vers la droite. Il fait bien partie de la cohorte des orléanistes de tradition qui, sous la houlette de Thiers, se transforment en républicains de conservation. Le 19 mai 1873 il entre au gouvernement de Thiers comme ministre de l'Instruction publique et il occupera le même portefeuille dans le gouvernement Dufaure en mars 1876, il essaiera de faire passer les universités libres sous le contrôle de l'État mais sera repoussé. Il garde cette fonction dans le gouvernement suivant de Jules Simon en décembre 1876, passe aux Affaires étrangères en décembre 1877 dans le second gouvernement Dufaure. 

 

C’est Waddington, qui au congrès de Berlin, obtient de l’Allemagne et de l’Angleterre les mains libres pour la France en Tunisie.

 

« Education anglaise, théories de libéralsime américain et religion protestante », voilà comment Albert de Broglie, décidément mal disposé, croit stigmatiser William Waddington En février 1879, il succède à Dufaure à la présidence du Conseil et forme un gouvernement composé d’hommes de centre-gauche et de la gauche républicaine. Ministère chargé de la liquidation du 16 mai, et donc de la République des ducs, préparation de la République véritablement républicaine, celle des nouvelles couches sociales : entre ces deux termes, il ets demandé à une poignée de bourgeois d’assurer la transition.

 

Si Jules Grévy, élu président de la République cinq jours plus tôt, appela Waddington, ce fut avant tout pour éviter Gambetta, relégué à la présidence de la Chambre. Coincé entre ces deux personnalités qui avaient de leur fonction une conception extensive et dynamique, le président du Conseil était privé d’espace et d’oxygène. En outre, avec des collègues aussi affirmés que que Say aux Finances, Freycinet aux Travaux publics et, pour la première fois, Ferry à l’Instruction publique, l’action gouvernementale allait parfois à sens contraire. Waddington, qui avait conservé les Affaires étrangères, y consacrait l’essentiel de son activité, d’autant que ses vastes relations dans le monde anglo-saxon, sa pratique des langues étrangères lui valent de réels succès.

 

Ces atouts lui étaient imputés à grief par la presse de droite : « M. Waddington n’aurait qu’à se déguiser en Français pour être sûr de n’être pas reconnu », lisait-on dans L’Union. Et Louis Veuillot dénonçait ce « ministère des protestants » - cinq au taotal sur dix ministres, « de libres penseurs et de francs-maçons ». La droite avait en effet de quoi être mécontente : amnistie étendue en faveur des communards, adoption de la Marseillaise comme hymne national, retour des Chambres à Paris et surtout, imposée par Jules Ferry, interdiction d’enseigner aux congégations non autorisées. S’y ajoutent la création dans chaque départementd’une école normale d’institutrices, le renforcement du plan Freycinet de développement des chemins de fer, véritable instrument de pénétration de la République dans la nation, le vote, pour la première depuis la chute de l’Empire, d’un budget en équilibre, enfin une épuration de la fonction publique en faveur de républicains avérés.

 

Le bilan est loin d’être insignifiant, même si la part qui en revient à William Waddington personnellement est sans doute modeste. Au moins cet homme distingué et cultivé, mais sans guère d’autorité, esprit clair mais orateur peu inspiré, a-t-il contribuer à accréditer la République dans un pays qui ne lui était encore qu’incomplètement acquis. Libéral modéré mais pas modérément libéral, il est l’homme d’une transitions. La gauche républicaine et radicale le lui fait aussitôt sentir, du dehors à la Chambre des députés et même au Sénat, du dedans au sein du gouvernement. « Très versé dans les questions extérieures, note Freycinet, il ignorait les difficultés de l’échiquier parlementaires. Il connaissait à peine la Chambre où l’avait rarement conduit ses fonctions antérieures. Il n’en avait pas manié le personnel. Il ne soupçonnait pas les intrigues et la guerre sourde par laquelle on mine un ministère vanat de le renverser. Sa voix honnête avait peu de prise sur cette Assemblée houleuse, dans laquelle il fallait s’adresser aux passions au moins autant que la raison ». Sans avoir été mis en minorité, Waddington constatant l’auto-dissolution de son ministère se retire le 28 décembre 1879 et retrouve les bancs du Sénats. Il aura été président du Conseil pendant quarante-sept semaines.

 

De 1883 à 1893, il devient avec succès ambassadeur à Londres, le poste qui, en réalité, lui convenait le mieux. Durant cette période, il perd le département de l’Aisne dont il était sénateur et n’est pas réélu lors des élections sénatoriales de janvier 1894. Gravement affecté par cet échec, il meurt six jours plus tard à Paris le 13 janvier 1894.

 

 

PERROT (G.) : Notice sur la vie et le stravaux de William Waddington… lue dans la séance publique annulelle du 26 novembre 1909 de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Paris, Firmin-Didot, 1909.

 

 

WALDECK-ROUSSEAU (René), 1846-1904 : Homme politique. Né à Nantes le 2 décembre 1846 dans une famille bourgeoise, Waldeck-Rousseau a été toujours au plus profond de lui-même le républicain passionné qui s’est défini dans la fameuse phrase : « Modéré, libéral, oui, je l’ai été, et je le suis toujours, mais non pas modérement républicain. » Fils d’un représentant du peuple de 1848, proscrit par le coup d’Etat du 2 décembre, il se situe d’emblée dans la mouvance gambettiste, démocrate et libérale, forgée dans la haine du Second Empire et la défiance envers le socialisme, accusé d’avoir provoqué la chute de la IIème République en ressuscitant le spectre de la terreur. Waldeck-Rousseau s’inscrit au barreau de Nantes, où il devient un très grand avocat d’affaires qui accède à la haute bourgeoisie avant de se lancer en politique. Il est élu député de la 1ère circonscription de Rennes en 1879 comme républicain modéré et conserve ce mandat pendant dix ans. Membre du groupe de L’Union républicaine, il s’mpose alors à la Chambre comme le spécialiste des questions juridiques notamment sur des projets de réforme de la magistrature.

 

Sa carrière politique prend de l’ampleur lorqu’il est nommé ministre de l’Intérieur dans le cabinet Gambetta (novembre 1881-janvier 1882) et dans le second cabinet Ferry (février 1883-mars 1885). Ce libéral politique se distingue par sa passion pour la question sociale qui le place à gauche de l’opportunisme. Il travaille longuement sur l’idée de participation des ouvriers aux bénéfices de l’entreprise et, surtout, il fait voter la loi de mars 1884 qui accorde la liberté aux syndicats professionnels et il fait adopter le scrutin de liste. A la chute de Ferry, il est réélu député en 1885 mais ne se représentera pas aux élections de 1889, entraînant sa mise à l’écart de la vie publique. Reprenant sa carrière d’avocat, il s’impose comme un des grands maîtres du barreau de Paris. Expert en droit civil, il plaide notamment dans la plupart des  grands procès financiers comme l’affaire Lebaudy ou le scandale de Panama dans lequel il défend Gustave Eiffel.

 

Il semble alors retiré de la vie politique mais va finalement céder aux sollicitations de ses amis républicains et se présenter avec succès aux élections sénatoriales partielles d’octobre 1894 dans le département de la Loire. Il est élu au premier tour du scrutin. En janvier 1895, après la démission de Casimir-Périer, il se porte même candidat à la présidence de la République mais c’est Félix Faure qui l’emporte.

 

Au Sénat, il intervient peu, l’essentiel de son programme politique se définit hors de l’hémicycle, notamment dans le « grand cercle républicain » qu’il a créé. En 1899, le président Loubet lui donne l’occasion de mettre en application ce programme, en l’appelant à former un gouvernement de « défense républicaine ». L’homme semble alors le seul à pouvoir réunir les différentes familles républicaines autour de sa personne. Il le doit à son passé, à son expérience, à son mépris affiché du pouvoir et des appareils  partisans, à son engagement social  qui lui assure de puissantes sympathies à gauche. L’homme du rassemblement est aussi  le seul à incarner l’indispensable renouvellement du personnel politique, rendu impératif par la multiplication des affaires depuis Panama. S’il n’a jamais encore gouverné, il a eu tout le loisir de réfléchir aux déficiances du parlementarisme partisan, déficiences que la crise, en favorisant la concentration du pouvoir, va lui permettre de conjurer en offrant un contre-exemple de stabilité et de fermeté qui fera beaucoup pour la postérité du régime.

 

Il innove dès la formation de son gouvernement. Au lieu de négocier avec les différents groupes, il conduit directement d’homme à homme, les négociations avec les pressentis, exigeant des réponses immédiates, refusant tout compromis et dosage afin de s’imposer comme le chef d’une majorité, non comme exécutant précaire de la volonté des partis.  En pleine affaire Dreyfus, alors que l’opposition nationaliste se déchaîne, Waldeck-Rousseau parvient à former, le 22 juin 1899, l’un des ministères les plus stables et les plus longs de la IIIe République. Il forme un cabinet de coalition républicaine, se réservant le ministère de l’Intérieur et des Cultes. Il compte onze ministres et un seul secrétaire d’Etat. La limitation numérique s’y conjugue avec une volonté d’ouverture inédite. Débordant à droite comme à gauche l’axe sempiternel apportunisme-radicalisme en place depuis 1879. Deux nominations soulèvent des tempêtes dans des secteurs opposés de l’opinion, celle au ministère de la Guerre du général Galliffet, « le fusilleur de la Commune », et celle du socialiste Millerand au Commerce et à l’Industrie. C’est en effet la première fois qu’un ministre socialiste fait partie d’un gouvernement et l’évènement va provoquer une scission chez les socialistes entre participationnistes et opposants à la participation. Waldeck-Rousseau confie les Finances à un jeune radical de trente-huit ans nommé Joseph Caillaux, s’assure du soutien d’une grande partie  de la presse en le nommant le très influent directeur du Petit Parisien, Jean Dupuy, à l’Agriculture. Seuls Delcassé aux Affaires étrangères et Leygues à l’Instruction publique sont reconduits. Son cabinet est aussi ouvert que son ministère, puisqu’i regroupe en son sein plusieurs étoiles en devenir comme Paul-Boncour et André Tardieu. Enfin, avant-même son entrée en fonctions, il place à la tête de la préfecture de police l’expérimenté et efficace Lépine avec pour tâche de contrôler les mouvements nationalistes et de conserver la paix civile. Au total, Waldeck-Rousseau forme une équipre brillante, nouvelle, complémentaire, soudée par la volonté de sauver la République et de solder l’affaire Dreyfus. Le ministère de « défense républicaine » est constitué.  Waldeck-Rousseau le dirige avec fermeté, comme l’explique Paul-Boncour : « Il exerçait sur ses ministres, avec son autorité courtoise, mais très ferme, une action incessante, dont j’ai été le témoin pendant les trois années que dura le ministère ; il était le « Premier » dans toute la force du terme ».

 

Retse à trouver une majorité parlementaire, sachant que les socialistes accueillent Galliffet avec des cris haineux et que l’entrée de Millerand fait office de repoussoir auprès des droites et de nombreux modérés. La séance inaugurale semble compromise quand, selon le témoignage de Joseph Reinach dans son Histoire de l’affaire Dreyfus, Brisson « éleva les bras dans un appel où les initiés reconnurent le signe maçonnique de détresse » et entraîna ainsi le gros des radicaux. Le ministère obtient une courte majorité dont l’axe passe sensiblement plus à gauche que ses devanciers puisqu’il s’appuie sur les radicaux. Le temps du gouvernement des centres, celui des Casimir-Perier, est révolu.

 

Il commence par apaiser l’opinion et par dénouer les crises. La tâche la plus urgente du nouveau gouvernement consiste à mettre fin à l’affaire Dreyfus. Il met à profit les quatre mois de vacances parlementaires, qui suivent son investitue, pour faire procéder à une ferme reprise en main de l’armée par Galliffet. La tension atteint son apogée avec le procès en révision qui s etient en août devant le Conseil de guerre à rennes. Au désespoir des dreyfusards, ce dernier confirme la culpabilité du capitaine tout en accordant des circonstances atténuantes, ce qui permet d réduire sa peine à dix ans de détention. Waldeck-Rousseau en profite pour faire gracier Ddreyfus par le président de la République Emile Loubet. Pour sanctionner les adversaires de la République, Waldeck-Rousseau montre la détermination du gouvernement en faisant traduire Jules Guérin, le retranché de Fort-Chabrol et Déroulède en Haute Cour et plusieurs ligues nationalistes pour atteinte à la sûreté de l’Etat. En mars 1900, il fait voter une loi d’amnistie censée tourner la page. Ayant accompli sa tâche, Gallifett démission en mai suivant, laissant sa place au général André.

 

Comme souvant dans l’histoire du régime, l’accalmie politique est compromise par une agitation sociale. Il lui faut trouver une solution pour mettre fin à la vague de grèves ouvrières importantes qui paralysent une partie de l’industrie française et qui se succèdent de l’été 1899 à l’été 1901. En conflit prolongé avec la direction de Schneider, les ouvriers grévistes du Creusot sollicitent l’arbitrage du chef du gouvernement. En acceptant, Waldeck-Rousseau accentue le rôle économique de l’Etat, initiant un interventionnisme qui provoque l’ire du patronat, d’autant plus ulcéré que le président du Conseil prend parti pour les grévistes et impose sa médiation. S’il renonce à légiférer et à rendre cette médiation systématique, le disciple de Gambetta n’en appuie pas moins avec chaleur l’œuvre de Millerand qui s’avère considérable. A compter de mars 1900, le temps de travail quotidien est limité à onze heures pour les hommes, dix pour les femmes et les enfants. Le repos hebdomadaire, une des plus fortes revendications syndicales, est institué tout comme un Conseil supérieur du travail rassemblant représentants du patronat et salariés. Pour la première fois, des inspecteurs du travail sont recrutés au sein du monde ouvrier. L’Office du travail est remplacé par une direction de plein exercice. Le ministre élabore et dépose des projets de loi sur la personnalité civile des syndicats, les retraites ouvrières ou la réforme du droit de grève.

 

En politique extérieure, Waldeck-Rousseau laisse les mains libres à Delcassé qui parfait son œuvre d’affaiblissement diplomatique de l’Allemagne. Après l’alliance franco-russe, l’heure est à la préparation de l’Entente cordiale avec l’Angleterre qui aboutit finalement à la Triple Entente.

 

Préoccupé de renforcer l’autorité de l’Etat face à l’Eglise, il souhaite le maintien du Concordat qui lui permettrait de  surveiller le clergé séculier, mais il ne peut exercer de contrôle sur le clergé régulier dont l’influence est grande sur le monde catholique et il s’attaque aussi, de façon mesurée et sans anticléricalisme militant, à la querelle religieuse qui divise les Français, autour de l’ingérence des congrégations dans les affaires de l’Etat comme cela a été le cas de la congrégation des Assomptionnistes au temps de l’affaire Dreyfus. Aussi pour lutter contre les « moines d’affaires et les moines ligueurs » dépose-t-il un projet de loi sur les associations, visant à étendre le droit commun aux congrégations religieuses et contraignant les congrégations non autorisées à demander l’autorisation dans un délai de trois mois. Mais au parlement, les passions se déchaînent et le texte adopté est plus sévère envers les congrégations que ne l’avait envisagé le président du Conseil. Il proposait une application libérale de la loi, mais Emile Combe, son successeur, se gardera bien d’adopter une telle attitude, Waldeck-Rousseau déplorant alors qu’on ait transformé une « loi de contrôle en loi d’exclusion ». Le gouvernement Waldeck-Rousseau soumet également la grande réforme de l’enseignement secondaire votée à la fin de son ministère.

 

Les derniers mois du ministère sont marqués par les législatives. Epuisé et déjà malade, Waldeck-Rousseau ne pronoce qu’un discours parlementaire entre juin 1901 et mai 1902. Les élections sont un triomphe pour sa majorité, en particulier pour les radicaux qui deviennent la première force du pays. « Ils sont trop » constate Waldeck-Rousseau qui choisit alors de démissionner, le 3 juin, atteint d’un cancer, préférant partir en pleine gloire que de devenir l’otage d’une majorité dont il désapprouve les passions et condamnera l’intolérance. C’est la première fois sous la IIIème République qu’un gouvernement se retire de son plein gré, sans avoir été mis en minorité.

 

Consulté par le président loubet, Waldeck-Rousseau préconise son remplacement par Emile Combes, croyant l’homme modéré. Redevenu sénateur de la Loire, il va en fait, proche de sa fin, s’opposer à la politique de séparation de l'Eglise et de l’Etat prônée par le « petit père Combes » qu’il juge dangereuse, avant de décéder d’un cancer du pancréas dans sa propriété de Casteljoli à Corbeil (Seine-et-Oise), le 10 aout 1904.

 

Par la personnalité de son chef, son exceptionnelle longévité et l’importance de son action, le ministère Waldeck-Rousseau est l’un des plus importants du régime. Il peut se targuer d’avoir sauvé la République non seulement ne réglant l’affaire Dreyfus, mais aussi en initiant l’intervention de l’Etat dans la question sociale et en identifiant  un des plus solides pilliers avec la loi des associations. Pourtant, le personnage, sans doute en raison de sa sécheresse apparente et d’une mort précoce qui lui a interdit d’écrire ses mémoires. Homme de transition entre la République opportuniste et la république radicale, Waldeck-Rousseau laisse une image ambiguë, presque mystérieuse. Autoritaire, parfois cassant, il répugnait à toute forme de démagogie, affectant par exemple de mettre ses mains dans ses poches à l’issue de ses discours afin d’éviter tout contact physique avec ses admirateurs. Cette froideur, parfois hautaine, en troubla plus d’un et lui attira de solides inimitiés. Elle peut être aussi interprétée comme un e volonté de se placer à une certaine distance, indispensable à l’exercice du pouvoir. Poincaré qui l’a souvent affronté à la barre rappelait volontiers : « La première fois que j’ai plaidé contre lui, je me faisais l’effet d’un caniche aboyant après une statue. » Caillaux, qui l’a toujours considéré comme son maître, vante dans ses Mémoires sa « magnificence intellectuelle et les capacités d’anticipation et de conducteur d’hommes. »

 

 

REYNAUD (P.) : Waldeck-Rousseau, Paris, Grasset, 1913.

 

SORLIN (P.) : Waldeck-Rousseau, Paris, Armand Colin, 1966.

 

 

WALLON (Henri), 1812-1904 :

 

Historien et homme politique. Né le 23 décembre 1812 à Valenciennes, Henri Wallon appartient à une famille de la petite bourgeoisie. Il fait ses études au collège de Valenciennes, puis au lycée de Douai. Il est reçu à l’Ecole normale supérieure en 1831. Il est ensuite agrégé d’histoire, licencié en droit et, en 1837, obtient deux thèses de doctorat, l’une sur le droit d’asile, l’autre sur l’immortalité de l’âme.

 

Professeur d’histoire à l’Ecole normale et à la Faculté des lettres de Paris, il rédige en 1847 une Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité. Cet ouvrage est remarqué par Victor Schoelcher, président de la commission pour l’abolition de l’esclavage, commission dont Henri Wallon devient secrétaire. Il débute alors une carrière politique en se faisant élire aux élections de mai 1849 dans le Nord. Il démissionne néanmoins rapidement pour protester contre la loi du 31 mai 1850 qui ampute le suffrage universel. Wallon retrouve son enseignement à la Sorbonne où il est titulaire de la chaire d’Histoire moderne. Il publie une œuvre variée : des ouvrages d’Histoire sainte, dont Saint Louis en son temps et une Vie de Jeanne d’Arc qui connaît quinze éditions, et de nombreux travaux sur la Terreur révolutionnaire. La qualité de son œuvre lui vaut d’être élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres dès 1850.

 

En 1871, Wallon revient à la vie politique en se faisant élire dans le département du Nord sur une liste de Centre droit. Le 30 janvier 1875, il entre dans l’Histoire en faisant adopter à une voix de majorité le célèbre amendement qui établit un septennat impersonnel et fonde la République. Les jours suivants, il prend une part active à la rédaction finale des lois constitutionnelles, notamment de la loi sur le Sénat. En mars 1875, il devient ministre de l’Instruction publique du Cabinet Buffet. Cette carrière ministérielle s’achève un an plus tard à l’avènement du ministère Dufaure. Entre-temps, le 18 décembre 1875, Wallon est élu, in extremis, au neuvième tour de scrutin, 69ème sénateur inamovible, victime à la fois des rancoeurs des monarchistes intransigeants et de celles des adversaires de la liberté de l’enseignement supérieur dont il avait obtenu le vote quelque temps auparavant. Henri Wallon décède à Paris le 13 novembre 1904.

 

 

WALLON (Amendement) :

 

Le 30 janvier 1875, un modeste amendement introduit subrepticement le mot République dans les lois constitutionnelles de la France.  Depuis la déchéance de Napoléon III, quatre ans plus tôt, c'est la première fois que les députés désignent formellement la nature du régime qu'ils mettent en place par petites touches. L'amendement Wallon fonde la République.

 

Les députés de l'Assemblée nationale élue le 8 février 1871 étaient en majorité monarchistes.  Mais comme le comte de Chambord, héritier de la monarchie capétienne, se faisait prier pour monter sur le trône, ils avaient prorogé le mandat présidentiel du maréchal de Mac-Mahon pour sept ans en attendant que le prétendant veuille bien se décider.  Profitant de ce répit, Léon Gambetta, chef fougueux de la gauche républicaine, fait alliance avec son vieil ennemi, Adolphe Thiers, le chef conservateur. Il fait adopter en juin 1874 une loi fixant à 21 ans et non plus à 25 l'âge où il devient possible de voter aux élections municipales. Voilà déjà un suffrage universel plus étendu que jamais ! Le 6 janvier 1875, au lendemain de l'inauguration du Palais-Garnier, l'Assemblée nationale aborde les lois constitutionnelles avec la volonté de sortir du provisoire.

 

Elle met au vote deux projets de lois «relatifs à l'organisation des pouvoirs publics» en écartant soigneusement le vocable République. Le 28 janvier, un député propose en vain un amendement où il est question du «gouvernement de la République». C'est le tollé. Mais les modérés des deux bords, républicain et monarchiste, s'activent, pressés d'en finir. Le 30 janvier, enfin, Henri-Alexandre Wallon, un député modéré du centre gauche, historien de profession, dépose un amendement au contenu anodin, ainsi conçu : «Le président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible».Le vote de l'amendement s'avère très serré du fait de quelques ralliements monarchistes de dernière minute. En fin d'après-midi, il est adopté avec 353 voix pour et 352 voix contre. Une voix d'écart ! C'est ainsi que la République, la fonction présidentielle et le septennat entrent d'un coup dans les lois constitutionnelles de la France. Par la même occasion, l'amendement Wallon consacre le retour au bicamérisme, avec deux assemblées en concurrence : le Sénat et la Chambres des députés. Les jours suivants, les députés confient au président de la République le droit de dissoudre la Chambre, mais seulement sur l'avis conforme du Sénat, ce qui aura pour effet de réduire ce droit à rien et d'abandonner la réalité du pouvoir aux combinaisons partisanes dans les couloirs du Palais-Bourbon. Pour la forme, les monarchistes obtiennent que l'Assemblée nationale garde le droit de changer la forme du gouvernement et de restaurer la monarchie. Les institutions de la IIIe République, lentement mûries par des hommes qui ont vécu sous des régimes très divers, perdureront jusqu'en 1940.

 

 

 

Jacques Chastenet, L'enfance de la Troisième 1870-1879 (Hachette, 1952).

 

 

WALRAS (Léon), 1834-1910 :    

 

Economiste. Né à Evreux, son père Auguste Walras est lui aussi professeur d'économie. Léon Walras deviendra critique d'art avant de postuler sans succès à des postes d'enseignant en économie dans les universités de Paris. Il devra enseigner à Lausanne à partir de 1870. A la fin du 19ème siècle, il y a un conflit en France entre la pensée libérale (des universités), un mouvement socialiste (des écoles d'ingénieurs) et le courant solidariste. Né à Evreux (Eure), le 16 décembre 1834, d'Antoine-Auguste Walras et de Louise Aline de Sainte Beuve.

 

Ce fut alors que les hommes au gouvernement dans le canton de Vaud, ayant réorganisé ; par une loi de 1869 l'Académie de Lausanne, et voulant instituer une chaire d'économie politique à la Faculté de Droit, se souvinrent de l'économiste qu'ils avaient vu et entendu au congrès de l'impôt de 1860 et m'avertirent de leurs intentions en m'exprimant le désir de me voir me présenter au concours. J'y consentis. Je donnai ma démission de mes fonctions pour la fin de juillet, quittai Saint-Mandé que j'habitais et traversai Paris, sans m'y arrêter, le dimanche matin 7 août 1870, pour aller en Normandie. Les événements qui suivirent me trouvèrent là, me préparant à l'enseignement de l'économie politique qui était devenu l'ambition de ma vie, et m'y retinrent d'abord sous le coup d'un décret du Gouvernement de la Défense nationale qui mobilisait en principe les hommes mariés jusqu'à l'âge de quarante ans. Le concours était ouvert et le jury nommé : j'avais exposé mes titres et envoyé mes ouvrages. Ce jury se composait de sept membres : trois personnes notables du pays et quatre professeurs d'économie politique. Les premiers m'étaient favorables ; des quatre professeurs, trois m'étaient nettement opposés. Le quatrième, qui était le professeur Dameth, de Genève, déclara qu'il ne partageait pas plus mes idées que ses collègues, mais que, pourtant, il jugeait de l'intérêt de la science que ces idées, évidemment sincères et sérieuses, fussent professées, et que, par ce motif, il me donnait sa voix. La nomination fut faite. En même temps, le décret de mobilisation était rapporté. Accompagné de deux membres du conseil municipal de Caen, mes anciens camarades de Collège, je me présentai à la préfecture du Calvados et demandai mon passeport en m'engageant, sous la garantie de mes amis, à rentrer en France si le décret reprenait vigueur. Je partis de Caen le mercredi matin 7 décembre pour me rendre à Lausanne par Le Mans, Angers, Niort, Poitiers, Moulins et Lyon. Je montai dans ma Chaire le 16 décembre; j'étais âgé de trente-six ans.

 

L'idée de créer l'économique mathématique, que j'avais annoncée dans ma lettre d'offre de services au Conseil d'État de Vaud, n'avait jamais cessé de m'occuper depuis 1860. Dès que j'eus organisé provisoirement mon enseignement dans la forme ordinaire, je me mis à l'oeuvre. Une seule tentative sérieuse dans ce sens m'était connue: celle de Cournot. J'avais reconnu déjà que la courbe de demande de Cournot qui donne la quantité demandée en fonction du prix, approximative dans le cas de l'échange de plusieurs marchandises, n'était rigoureuse que dans le cas de l'échange de deux marchandises. Me restreignant donc à ce cas, je déduisis d'abord rationnellement de la courbe de demande de chaque marchandise la courbe d'offre de l'autre, les prix courants d'équilibre résultant de l'intersection des courbes d'offre et de demande. Et, ensuite, je déduisis rationnellement la courbe de demande elle-même des quantités possédées et des courbes d'utilité ou de besoin des deux marchandises, donnant l'intensité du dernier besoin satisfait, ou la rareté, en fonction de la quantité consommée, et qui se trouvaient ainsi constituer les éléments premiers du prix et fournir la pierre angulaire de toute l'économie politique mathématique. La théorie, réduite à ces limites, fut communiquée en août 1873 à l'Académie des sciences morales et politiques à Paris; et cette communication, ayant amené la connaissance de ce fait que Jevons, en Angleterre, deux ans avant moi, avait résolu le second de mes deux problèmes en posant la courbe d'utilité et en formulant la condition de satisfaction maxima par l'égalité du rapport des raretés, qu'il appelle degrés finaux d'utilité, au prix, donna tout de suite à l'étranger un vif retentissement à la découverte.

 

Passant de la théorie de l'échange de deux marchandises à la théorie de l'échange d'un nombre quelconque de marchandises, et de la théorie de l'échange aux théories de la production, de la capitalisation, et de la monnaie, je constituai progressivement toute la théorie de l'équilibre économique: d'abord dans quatre mémoires: - Principes d'une théorie mathématique de l'échange (1873), - Équations de l'échange (1875), - Équations de la production, - Équations de la capitalisation (1876), - bientôt traduits en italien et en allemand sous ces titres: - Teoria matematica della richezza sociale (1878), - Mathematische Theorie de Preisbestimmung der wirthschaftlicher Güter (1881) ; puis dans mon ouvrage des Eléments d'économie politique pure dont la 1ère édition parut en 1874-77 et la 2e en 1889. La Théorie mathématique de la richesse sociale (1883) est composée de sept mémoires dont les cinq premiers, savoir les quatre ci-dessus, et un cinquième sur la Théorie mathématique du bimétallisme (publié dans le Journal des Economistes en 1876-81 et 82), sont des travaux d'économie politique pure, mais dont les deux derniers, consacrés à la Théorie mathématique du billet de banque (1879) et à la Théorie du prix des terres et de leur rachat par l'État (1880), constituent déjà des emplois de la méthode mathématique en économie politique appliquée et en économie sociale.

 

J'appelle économie sociale, comme le fait J.S. Mill, la partie de la science de la richesse sociale qui traite de la répartition de cette richesse entre les individus et l'Etat et qui recourt au principe de la justice, et non pas, comme le font l'école de Le Play et nos Facultés de droit, l'étude des institutions patronales et philanthropiques, de la coopération et de l'assurance, tous sujets très intéressants d'économie politique appliquée dépendant du principe de la charité, de la fraternité, de l'association libre tout au plus, de l'utilité sociale, et dont la substitution aux questions de la propriété et de l'impôt dans l'économie sociale, faite à un point de vue conservateur ou radical, n'a qu'un but : rendre plus tolérable le sort des prolétaires afin de permettre aux bourgeois et paysans propriétaires de jouir tranquillement, au meilleur marché possible, de leurs revenus, traitements et rentes.

 

La théorie appliquée de la monnaie a été l'objet de deux mémoires : - D'une méthode de régularisation de la variation de valeur de la monnaie, - Contribution à l'étude des variations des prix depuis la suspension de la frappe des écus d'argent (1885) - et d'un ouvrage spécial, la Théorie de la monnaie, paru en 1886 et résumant divers travaux antérieurs. J'y développai mon système de "monnaie d'or avec billon d'argent complémentaire et régulateur". M'avançant jusque sur le terrain de la pratique, je proposai, en 1887, comme le premier pas à faire dans cette direction, la suspension du libre monnayage de l'argent dans l'Inde telle qu'elle a été décidée six ans plus tard, en 1893. En 1891 et 1892, j'ai donné une Théorie géométrique de la détermination des prix où j'ai réusi à résumer toute ma théorie de l'établissement des prix en libre concurrence dans la forme élémentaire de la géométrie analytique à deux dimensions, ce qui permet, à la rigueur, de faire entrer la nouvelle discipline dans l'enseignement élémentaire.Fatigué avant l'âge, plus encore par la lutte que par le travail, je pris ma retraite en 1892. J'eus, peu après, la satisfaction d'être nommé professeur honoraire de l'Université de Lausanne. Je me suis servi principalement, pour publier mes mémoires successifs, de la Société Vaudoise des Sciences naturelles qui a entendu et fait imprimer mes communications parmi celles de sa section mathématique. Les sociétés suivantes m'avaient spontanément appelé dans leur sein : l'Institut international de statistique, dont le siège est à Rome, comme membre associé en 1886 et comme membre titulaire en 1887; la Société royale des Sciences de Liège, comme membre correspondant en 1887; la American Economic Association, comme membre honoraire, en 1892. Comme on le voit, mes théories s'étaient répandues et avaient été accueillies avec faveur en Suisse, en Italie, en Belgique, en Amérique. Il n'en avait pas été de même en France. En 1879, mon ami Jules Ferry se trouvant Ministre de l'Instruction publique, je fus engagé de la part du Dr. Cazelles, préfet de l'Hérault, que j'avais connu à Paris, vingt ans auparavant, interne des Hôpitaux, d'accord avec M. Albert Dumont, recteur de l'Académie de Montpellier, à formuler une offre de mes services en vue de l'enseignement de l'économie politique dans les Facultés de Droit qui s'organisait alors, ce que je fis le 3 juillet dans une lettre au Ministre dont j'envoyai copie à MM.Cazelles et Dumont. Etant allé en France aux vacances, je ne vis pas Ferry qui était absent de Paris, mais j'eus, le 14 août, avec M. Dumont, devenu depuis peu Directeur de l'enseignement supérieur au ministère, une conversation à la suite de laquelle je lui adressai de Chartres, le 26, une Note sur l'organisation de l'enseignement de l'économie politique et sociale à l'Ecole pratique des Hautes études en vue d'y former des professeurs de Facultés. cette affaire parut d'abord vouloir aboutir; mais elle fut bientôt sacrifiée à des préoccupations d'un caractère plus pressant. Il ne faut pas attendre de la France actuelle de la politique à longue portée : elle n'en fait que de circonstance. En dehors de cette tentative, et du premier au dernier jour de mes vingt-deux années de professorat à Lausanne, je n'avais pas cessé de souhaiter que le résultat de mes efforts pût être connu et discuté dans mon pays. J'avais essayé sans succès de communiquer les trois mémoires contenant les équations de l'échange, de la production et de la capitalisation à l'Académie des sciences morales et politiques. Depuis lors, j'avais fait encore plusieurs tentatives pour faire pénétrer mes idées en France, mais pas une seule sans me heurter à l'influence exorbitante, à l'hostilité sourde mais acharnée des mandarins héréditaires préposés au soin d'empêcher la science de se faire. Les lois sont changées chez nous, mais combien peu les moeurs ! En 1884, en possession du principe de ma théorie appliquée de la monnaie, je fais inscrire cette question : - d'un système de monnaie d'or avec billon d'argent régulateur à l'ordre du jour permanent de la Société d'économie politique de Paris dont j'étais membre depuis vingt-quatre ans. A Pâques de 1885, voulant profiter des vacances pour aller soutenir la discussion de ma question, je demande sa mise à l'ordre du jour de la séance du 5 avril. Mais alors se produit cette perpétuelle intrusion de la politique dans la science qui est l'essence du régime officiel. Le président de la Société, ancien Ministre des Finances qui, en cette qualité, a fait, en 1878-79, un billon des écus d'argent en en supprimant la frappe libre, prétend "ne pas laisser discuter la valeur de l'encaisse de la Banque de France," et montre un tel mauvais vouloir que je renonce à mon projet. Je me tourne d'un autre côté et trouve quelqu'un pour présenter mon système à la Société de statistique. Malheureusement, le président de la Société d'économie politique est aussi président de la Société de statistique et la présentation tourne en éreintement. En outre, M. Léon Say, ancien président de la Caisse d'escompte, ce président universel, a la main dans toutes les revues: à son instigation le Journal des Economistes me retourne mes articles et la Revue scientifique, après avoir inséré avec empressement les deux premières parties de ma Théorie de la monnaie, me refusa la troisième contenant la conclusion des deux autres. J'avais trouvé le même homme à la Société des Actuaires français dont j'étais membre agrégé depuis 1874 et dont il m'exclut lorqu'il en devint président en 1880. Je l'ai retrouvé à la Société des Ingénieurs civils, lors de ma communication de 1890, préparée d'accord avec MM. Contamin et Caubet, qui s'annonçait si bien et ne reçut gr&aci rc;ce à lui, qu'un accueil froid et sans écho. J'en étais là à la fin de 1892, me disant que ma carrière avait été celle d'un homme qui s'est trompé de patrie et a voulu faire une oeuvre d'innovation exigeant la double culture littéraire et mathématique, philosophique et économique, dans un pays d'écoles spéciales et de science officielle; que, né dans un pays d'Universités et de science libre, j'aurais trouvé à la Faculté de philosophie toutes les disciplines dont j'avais besoin; que j'aurais été Docteur à vingt ou vingt-deux ans, Professeur entre vingt-cinq et trente; et que j'aurais fini d'exposer, à l'heure qu'il était, le système d'économie politique et sociale dont je n'avais pu même donner une esquisse. Et, pourtant, je devais encore fournir une étape et tracer cette esquisse. Au commencement de 1894, après un an de retraite et de repos, je crus pouvoir entreprendre de substituer aux Éléments d'économie sociale et d'économie politique appliquée, que j'étais hors d'état de rédiger, deux volumes d'Etudes relatives à ces deux branches et formant chacun un ensemble assez complet; et j'y arrivai de la façon suivante. Je publiai en 1896 les Etudes d'économie sociale formées de morceaux déjà publiés - parmi lesquels la Recherche de l'Idéal social (1868) - et des trois morceaux inédits suivants: - Méthode de conciliation ou de synthèse, - Théorie de la propriété; - Le problème fiscal, qui parurent en 1896 dans la Revue socialiste alors dirigée par mon collègue Georges Renard. Et je publiai en 1898 les Etudes d'économie politique appliquée formées de même de morceaux anciens - parmi lesquels la Théorie de la monnaie (1886) - et des sept morceaux inédits suivants: -Le péril bimétalliste, - L'Etat et les chemins de fer, - L'économique appliquée et la défense des salaires, -Théorie du libre échange, -Théorie du crédit, - La Caisse d'épargne postale de Vienne et le comptabilisme social, - Esquisse d'une doctrine économique et sociale, qui parurent le premier en 1895 dans la Revue socialiste, le second en 1899 dans la Revue du Droit public et de la science politique et les quatre suivants en 1897 et 1898 dans la Revue d'économie politique, fondée en 1887 pour être l'organe des professeurs d'économie politique des facultés de Droit de France, et qui m'avait inscrit, dès le début, au nombre de ses collaborateurs étrangers. J'ai vainement essayé de faire accepter l'Esquisse d'une doctrine économique et sociale à un recueil français, soit modéré, soit avancé. Mais la Gazette de Lausanne, toujours libérale à mon égard, n'a pas craint d'en publier le dernier et le plus horrifique paragraphe : - Politique française, La prière du libre penseur, dans ses numéros des 14 et 18 juillet 1898. En 1900, je donnai la 4e édition des Eléments d'économie politique pure qui contenait une théorie de la détermination du taux de l'intérêt déduite rationnellement, pour la première fois, d'équations d'échange et de satisfaction maxima et qui parut en décembre sous le titre de: Note sur l'équation du taux du revenu net, dans le Bulletin de l'Institut des Actuaires français lequel m'avait élu membre correspondant en 1893 ; et une théorie de la valeur de la monnaie déduite, elle aussi rationnellement, pour la première fois, d'équations d'échange et de satisfaction maxima et qui avait été communiquée en 1899 sous le titre d'Equations de la circulation à la Société Vaudoise des sciences naturelles laquelle m'élut, à cette occasion, membre émérite. Cette 4e édition des Éléments d'économie politique pure, avec les deux volumes des Études d'économie sociale et des Etudes d'économie politique appliquée, peut, je crois, donner une idée suffisante de ma doctrine économique et sociale. J'ai fait, en 1902, les dernières et définitives corrections à ces trois volumes pour lesquels j'ai les empreintes en vue du clichage, de façon qu'ils puissent être publiés aisément sans moi quand je n'y serai plus. Il semble tout d'abord que ces efforts dussent avoir un certain résultat. En mai 1901, au moment où je m'installais à Clarens, je reçus une lettre de M. Albert Aupetit m'envoyant son adhésion à ma théorie avec une thèse de doctorat ès sciences économiques par lui soutenue devant la Faculté de Droit de Paris et intitulée : Essai sur la théorie générale de la monnaie au Chapitre 1er de laquelle les conditions mathématiques de l'équilibre économique étaient parfaitement résumées. Je tenais enfin mon premier disciple français. En septembre suivant, comme l'expression mathématique de l'utilité qui forme la base de ma théorie avait été déclarée, l'année précédente, inacceptable à l'Institut des Actuaires français, je soumis la question à M. Henri Poincaré qui me répondit explicitement qu'une grandeur non mesurable pouvait parfaitement devenir l'objet d'une spéculation mathématique dans certaines conditions que, selon lui, j'avais observées. Enfin, la même année, parut, en partie dans la Revue d'économie politique et en totalité ensuite en volume, un essai de M. Emile Bouvier, professeur à la Faculté de droit de Lyon, intitulé: La méthode mathématique en économie politique et dont les conclusions étaient que cette méthode pouvait "faire sortir la science de l'ornière actuelle," et qu'on devait "observer avec intérêt ses efforts et même les seconder." C'était là une adhésion très suffisante parmi les économistes. Encouragé par ces approbations, je proposai formellement, en janvier 1902, à l'Institut des Actuaires: 1) d'introduire une branche spéciale d'Économique et Statistique mathématiques parmi les connaissances exigées pour l'obtention du diplôme de membre stagiaire puis agrégé, et 2) d'organiser, si cela paraissait nécessaire, un cours ou une conférence en vue de l'acquisition de ces connaissances. Et, par l'intermédiaire de M. le Président Guieysse, je fis savoir aux membres de l'Institut que mes É

Publié dans troisieme-republique

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